Boston était calme. Le crépuscule était presque fini, laissant place petit à petit à la nuit noire sans étoile qui s’annonçait. Un vent frais se promenait entre les bâtiments, ce qui obligeait les passants à porter une petite laine, ou quelque chose dans le genre. De toute façon, à ce moment de la journée, les gens se montraient de plus en plus rares dans les rues habituellement si peuplées de la grande ville de Boston. Tout le monde était déjà dans leurs habitations paisibles et réchauffées, les protégeant de la nuit qui commençait. Oui, Boston était calme, mais seulement en apparence. Car je savais que ce n’était pas le cas.

J’étais sortie une heure plus tôt qu’à l’habitude. Les quatre murs minces, peinturés en un vert malade, commençaient à m’étouffer et, comme j’étais rentrée tôt du centre commercial vers la fin de l’après-midi, voilà tellement longtemps que j’attendais le moment opportun de sortir en ville, lorsque la nuit commençait à effrayer les enfants. J’étais dans les rues de Boston avant même que 8 h sonnât, déjà à la recherche de celui ou celle qui me donneront ma dose, ma drogue pour le reste de la nuit. Je n’étais pas une fille qui devenait accro. Il y a quelques années de cela, j’avais bien essayé toutes les sortes de drogues artificielles, herbes, pilules, et tout le reste. Pourtant, rien ne me semblait vrai, rien ne me semblait assez fort pour pouvoir me donner le buzz dont j’avais besoin. Non, rien ne m’avait fait le même effet que celui que me donne l’adrénaline qui me ravage en moment de danger. L’adrénaline qui me prend le corps et qui me sort par les oreilles les fois où j’ai l’impression de presque laisser ma peau. Je peux sembler détraquée, complètement folle, de me laisser tenter aussi facilement par les activités dangereuses. Mais c’est la raison pour laquelle je me promène dans les rues sombres des villes les plus grandes, les plus dangereuses; je suis à la recherche du pic d’adrénaline que je peux avoir, du plus dangereux moment. De toute façon, je me sens toujours invincible, je sais que je le suis.

La soirée avançait tranquillement, et la nuit était maintenant complètement là. Je ne vis encore rien pour me faire de l’effet, tout le monde semblait faible, sans aucun danger. J’étais bien emmitouflée dans mon manteau, le vent était frisquet et il faisait hérisser les petits cheveux sur ma nuque. Mes cheveux étaient lousses sur mes épaules, ils se dispersaient en bouclettes brunes à chaque pas que je faisais, face contre le vent. Lentement, je m’endormais, m’affaiblissais. J’hésitai même une fois pour faire demi-tour et retourner chez moi pour passer une bonne nuit de sommeil. C’est à ce moment que mon chemin croisa celui d’un homme qui, ma foi, attira mon regard. Il était grand, musclé. Ses cheveux étaient longs et noir contrastent peut-être un peu trop avec son visage maigre et blanc. Pourtant, je ne pouvais décrocher mon regard de lui. Je m’arrêtai, convaincue qu’il pourrait m’apporter ce que je recherchais. D’ailleurs, j’eus ma confirmation lorsqu’il s’arrêta à son tour, et tourna son visage vers le mien. Lorsque ses yeux profondément noirs rencontrèrent les miens, je m’arrêtai de respirer. Tout était silencieux autour de nous, aucun piéton et aucune voiture ne passèrent.

- Bonsoir, lui disais-je.

À ma surprise, ma voix était tremblante et j’étais déjà à bout de souffle. Le mystérieux homme s’approcha de moi. Je sentis mon sang ce glacé dans mes veines et mon cœur battre à tout rompre. Il me sourit, mais ce n’était pas un sourire rassurant. Au contraire, tout dans mon corps se figea : je me sentais déjà morte alors que mon cœur battait plus fort que jamais. Il posa une main sur mon épaule, une main qui était glacée, je le sentais même si je portais un épais manteau. Il se pencha vers mon cou et c’est à ce moment que tout en moi me criait : « Fais quelque chose! Bats-toi! » Me secouant un peu, je fis valser mon poing dans sa figure, le plus fort que je pouvais. Peut-être pas si fort que ça finalement, car il ne bougea pas d’un poil. Je me doutai même qu’il l’est senti. Il tourna la tête vers moi et eut un petit rictus effrayant. Offusquée par sa moquerie, je lui balançai mon pied sur le tibia, me tortillant pour me détacher de son emprise qui se faisait de plus en plus serrer.

- Tu es une battante, n’est-ce pas? Je crois que ça serait dommage de te tuer tout de suite.

Me tuer? J’ouvris la bouche dire quelque chose, n’importe quoi. Mais je n’en eus pas le temps. Il passa ses dents sur mon cou, comme s’il y passait un couteau. Je poussai un cri de douleur et tenta à nouveau de me dégager. Le vampire, car à ce moment c’est la première idée qui me vint en tête, grogna.

- Tu deviens énervante, demoiselle. Calme-toi que je m’amuse!

Il me poussa contre un arbre, m’arrachant mon manteau. Le froid me transperça le corps, mais ce n’était rien à côté de la sensation que me fit un autre coup de dent du monstre, sur mon épaule cette fois-ci.
Oui, j’avais mal. Oui, j’avais peur. Pourtant, ce fut la sensation la plus fantastique que j’eus jusqu’à présent. Tout d’en mon corps suivait mon pouls et même si l’emprise du vampire se faisait forte, même blessante, je ne voulais pas que ça s’arrête. L’adrénaline en moi était tellement forte que je me dis incapable de mourir; à cette vitesse, mon cœur n’arrêtera jamais. Je criai encore une fois, lorsqu’il me coupa le bras. Cri qui se changea en un genre de rire; j’avais trouvé le pic que je cherchais. Si j’avais sût que se serait un vampire assoiffé de sang qui me ferait vivre cette source d’adrénaline tellement puissante, je serai parti à la chasse aux vampires plus tôt.

Soudain, tout s’arrêta. J’ouvris les yeux et peu à peu sentirent mes os se libérer de la tension que les mains du monstre leur avaient donnée. Le souffle froid du vampire sur ma peau n’existait plus, seulement celui du vent, et mon cœur commençait à ralentir. Je tournai la tête, grimaçant à cause de la douleur, pour voir mon agresseur se battre d’une façon terrifiante, vu qu’ils allaient tellement vite pour vraiment les voir, contre un autre gars, qui devait être aussi vampire, ou autre monstre qu’ils sont. Tout se passa vite et je ne vis presque rien à la bataille, ce qui me calma, malheureusement. Lorsque la tête de mon agresseur roula à mes pieds et que le reste de son corps passa au feu, je compris qu’il n’existait plus.

L’autre vampire s’approcha de moi. Il était grand, plus grand que l’autre ou presque, mince et blond. Son visage était tout aussi pâle et ses yeux tout aussi noirs. Il me regarda comme s’il regardait son prochain repas, ce qui fit remonter mon excitation et mon adrénaline. Il resta par contre à une bonne distance de moi, comme s’il avait peur de s’approcher.

-Allez-vous-en, m’ordonna-t-il avec une voix basse et rauque.

Je m’approchai d’un pas, mais dus m’arrêter à cause du regard qu’il posa sur moi.

- Partez, je vous dis! Le plus vite possible!

Cette fois-ci, il cria presque et c’est avec déception et à contrecœur que je lui obéissais; je me mis à courir pour retourner chez moi, pensant à ce qu’il allait arriver maintenant. Je pourrais rentrer et faire comme si rien ne s’était passé que j’avais rêvé. Pourtant, je savais que ce n’était pas un rêve, les monstres comme la sensation que cela m’avait procurée. J’avais trouvé le pic et je n’allais pas me contenter que de ça.